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En Inde, les musulmans cibles du suprémacisme hindou

Source : France Culture - Maxime Tellier



Repères |Au moins 33 personnes ont été tuées et 200 blessées lors de violents affrontements intercommunautaires ces derniers jours dans la capitale indienne. Ces heurts, inédits depuis 30 ans à New Delhi, révèlent la polarisation religieuse extrême créée par les nationalistes hindous au pouvoir depuis 2014.


C’est la pire flambée de violences intercommunautaires à New Delhi depuis les massacres de Sikhs en 1984 en représailles à l’assassinat d’Indira Gandhi. Au moins 33 personnes sont mortes et plus de 200 ont été blessées dans les faubourgs de la capitale indienne. Les violences ont éclaté dimanche soir lorsque des groupes hindous s’en sont pris à des manifestants musulmans. Ces derniers se rassemblent régulièrement depuis décembre pour dénoncer une loi sur la citoyenneté jugée discriminatoire pour les musulmans.


Des violences inédites


Les témoins et les victimes font le récit de scènes ultra-violentes, certains médias utilisant même le terme de “pogroms” contre les musulmans. Pendant trois jours, des émeutiers armés de pierres, de sabres et parfois de pistolets ont semé le chaos et la mort dans les faubourgs populaires du nord-est de la capitale. De nombreuses photos et vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des images d’hommes casqués frappant des personnes à terre, ensanglantées. D’après l’Agence France Presse, qui a pu consulter une liste des personnes décédées dans le principal hôpital, les victimes semblaient à peu près autant hindoues que musulmanes, à en juger d’après leur nom. Beaucoup des morts et des blessés ont été victimes de plaies par balles.


Les hostilités semblent en tout cas avoir été déclenchées par des groupes armés hindous qui s’en sont pris à des lieux et à des personnes identifiés comme musulmans, au cri du slogan religieux “Jai Shri Ram” (“Loué soit le dieu Ram”) : plusieurs mosquées ont été brûlées et sur l’une d’elles, un drapeau hindou a été hissé. Les violences ont finalement pris fin mercredi avec un déploiement massif des forces de l’ordre mais de nombreuses victimes ont critiqué l’inaction de la police devant les attaques contre les musulmans. Un argument repris par la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Michelle Bachelet.

“Personne n’est venu nous aider”, raconte Bilkis, une mère de sept enfants interrogé par l’AFP et dont le domicile a été en grande partie endommagé. “C’est nos voisins hindous qui nous ont aidés. Ils nous ont assistés pour arroser le feu. Ils ont apporté des seaux d’eau. Ils nous préparent du thé. Ils nous demandent sans cesse si nous avons besoin de quelque chose”.


Une politique discriminatoire


Sous le feu des critiques, le Premier ministre nationaliste Narendra Modi a finalement appelé ses concitoyens à “la paix et la fraternité” mercredi. Mais ses détracteurs l’accusent d’avoir créé les conditions de ces tensions depuis son élection en 2014 et sa réélection en mai dernier. Le chef de l’État est critiqué en raison d’une loi controversée sur la citoyenneté votée le 11 décembre : ce texte adopté par sa majorité est censé faciliter l’accès à la citoyenneté des immigrés des pays voisins (Afghanistan, Bangladesh et Pakistan) mais à condition qu’ils ne soient pas musulmans. Le texte définit comme bénéficiaire les membres des religions Sikh, Bouddhiste, Hindou, Jaïn, Parsi et chrétienne... En excluant ostensiblement une seule catégorie de croyants : les musulmans, qui se retrouvent exclus de fait de la possibilité d’être naturalisés.


Cette loi a constitué la goutte de trop pour la minorité musulmane indienne (15% de la population soit 200 millions de personnes), déclenchant un vaste mouvement de contestation dans ce pays où les hindous représentent 80% des habitants. Les musulmans refusent de devenir des citoyens de second rang mais beaucoup craignent aussi d’être considérés comme clandestins car ils ne possèdent pas de documents attestant de leur identité et de leur nationalité.


Les détracteurs de Narendra Modi l’accusent de vouloir jeter la laïcité aux oubliettes pour faire de l’Inde un pays uniquement hindou. Ils dénoncent également les propos incendiaires de plusieurs responsables de son parti, le BJP (Bharatiya Janata Party, “parti indien du peuple”), notamment lors de la campagne pour les élections locales à Delhi l’an dernier (le territoire qui abrite en son sein la capitale, New Delhi). Des représentants du BJP avaient comparé les manifestants contre la loi sur la citoyenneté à des “djihadistes”, certains appelant même à les incarcérer ou à les abattre.


Le jusqu'au boutisme des nationalistes hindous


Dans une tribune publiée jeudi dans le quotidien Indian Express, l’intellectuel Pratap Bhanu Mehta estimait que “les émeutes de Delhi étaient en germe depuis longtemps. (...) Il ne fait aucun doute que l’État aurait pu stopper la violence plus rapidement s’il l’avait voulu”, l’auteur s’inquiétant que ces événements soient “un prélude à un possible pogrom, ou au moins à une ghettoïsation” des musulmans en Inde.

Le BJP peut s’appuyer sur le RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, “Association des volontaires nationaux”) et son réseau de 30 000 écoles où la haine de l’Islam et des musulmans est enseignée : le 16 décembre dernier, une école appartenant au RSS avait ainsi rejoué la destruction de la mosquée de Babri, menée en 1992 par les hindouistes. Cet épisode, l’un des plus violents de l’histoire contemporaine indienne, avait (déjà) provoqué des émeutes religieuses. Or cette reconstitution, à laquelle des élèves ont participé, avait eu lieu lors de la fête annuelle de l’école devant des milliers de spectateurs et en présence d’un ministre fédéral...


Source : France Culture - Maxime Tellier

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