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« Il m’aime, j’en suis sûre » - pensée d’une érotomane

Dernière mise à jour : 27 juil. 2018



L’érotomane, qui dans la plupart des cas est une femme, porte en elle une profonde conviction délirante d’être aimée, elle va en effet se persuader qu’une personne détenant un certain statut, savoir et/ou pouvoir tel un professeur, un médecin ou une personnalité célèbre vue à la télévision, est amoureux d’elle.


Ce délire est une création de l’esprit de l’érotomane qui va ensuite œuvrer pour rendre cela de plus en plus existant en se rendant elle-même existante dans le monde de cette personne là.

 

Cette conviction que l’autre soit amoureux d’elle va prendre source dans ses propres interprétations à partir de faits et gestes


anodins perçus comme signes d’amour.

Il faut savoir que dans le délire de l’érotomane, tout est interprétable, cela pouvant aller d’un simple regard à une quinte de toux devant la caméra, passant par la manière dont l’érotomane va décoder les mots et signes manifestés par la personne en question lors d’une interview TV par exemple. Ces interprétations, passant par cette dimension déconnectée du réel où toute construction est possible, présente cependant une certaine logique puisque articulées à ce qu’elle voit et ce qui se manifeste, l’érotomane est ainsi en mesure d’expliquer ce qui l’amène à penser et croire ainsi. Et c’est à partir de cette brèche que la construction de cette réalité délirante est rendue possible.

 

L’érotomanie est une forme de paranoïa où des croyances biaisées par rapport à la réalité façonnent le comportement et les pensées de l’érotomane.


Il s’agit d’un trouble psychiatrique qui ne se repère pas d’emblée, tout simplement parce que le sujet érotomane a généralement, en dehors de cette obsession délirante, une vie dite « normale » et donc un rapport avec les autres et au monde qui n’évoque pas de soupçons. Ce délire va permettre à l’érotomane de se sentir exister, de se sentir importante pour quelqu’un, de se sentir en « vie ». Selon son délire, cette personne l’aime et cela lui octroie un sentiment d’avoir de la valeur. Cette conviction d’être aimée n’implique pas d’emblée qu’elle l’aime en retour, cependant le reflet de sa valeur est utilisé autrement, venant combler quelque chose par ailleurs pour elle, et elle y tient.

Cette obsession par l’autre vient occuper tout l’espace psychique de l’érotomane au point où sa vie va tourner autour de cette personne et de cette croyance en une histoire d’amour sans que l’autre n’y ait consenti. Déconnectée de la réalité commune et se nourrissant d’interprétations de signes et de messages, cette réalité qui n’est que la sienne ne fait sens que pour elle à travers ses fantasmes qu’elle vit dans son monde imaginaire. Il y a ainsi un décalage entre ce que l’érotomane vit à l’intérieur d’elle et ce qu’il en est en réalité. Ce délire peut persister et s’étaler plus ou moins dans le temps sans conditions jusqu’au moment où la situation se renverse, quelque part inévitablement.

 

Ce trouble présente trois phases évolutives :


1. La déclaration d’amour – sa réalité

 Profondément convaincue, l’érotomane va déployer des efforts inimaginables pour voir cette personne et se faire voir. Elle cherche à se rapprocher en envoyant par exemple d’innombrables cadeaux et messages pour « se » manifester et « faire vivre cette histoire ». Elle dépose ainsi un amour inconditionnel sur cet être. Elle va alors réellement de son côté vivre une « histoire » à partir de ce qu’elle va interpréter.

Des refus de la part de cet homme, femme, professeur, médecin ou personnalité célèbre, à ce moment là de l’histoire, vont toujours être interprétés. Des excuses seront trouvées par l’érotomane elle-même, pour justifier ces refus, comme par exemple que la personne ne veuille pas que ça se sache pour l’instant, ou qu’il s’agisse de vouloir préserver leur histoire par rapport au conjoint respectif. L’érotomane va donc continuer à se manifester et se rendre visible dans la vie de cet autre, portée d’espoir et d’attentes, jusqu’au jour où une plainte est déposée contre elle par exemple. 2. La déception et la dépression – la blessure

Dans cet exemple, la plainte vient violemment heurter cette conviction d’être aimée. Vécue comme trahison, cette plainte vient ébranler cette illusion dans laquelle elle s’était enfermée, ainsi l’érotomane va être aux prises avec la déception et la dépression suite à ce rejet vécu par celui qui, selon elle, lui avait dévoué un amour fou. Le renoncement de cet amour, la disparition de la valeur de sa propre existence lui est insoutenable. De la vie elle passe à la mort, plus rien n’a de sens, plus rien ne tient, elle n’est plus rien.

Une blessure qui prendra un temps à se vivre avant de prendre une autre couleur. L’érotomane désillusionnée peut devenir dangereuse.


3. La vengeance – la destruction

 La dernière phase est la réaction face à ce rejet. Faisant suite à la colère et la non acceptation de ce rejet, le désir de destruction est à son plus haut niveau, la réaction va souvent faire écho à l’énergie déployée de son investissement et à l’intensité de sa croyance.

L’être aimé devient alors le mauvais objet, elle le prend en grippe et s’en prend à lui à tout prix. De l’amour envahissant à l’harcèlement infernal, la mise à l’écart est renversée par une furie qui va trouver tous les moyens possibles afin de démolir la personne dans son espace. Cette vengeance portant le goût amer de la démolition, peut amener à des situations extrêmes, pouvant aller jusqu’au meurtre de ce bien aimé.


L’érotomanie enferme le sujet dans un rapport illusoire à l’autre et où ce dernier n’a aucunement donné son consentement.


Il est important de voir à quel point une érotomane peut se rendre crédible à travers la manière dont elle peut raconter son histoire vécue avec cette personne en question. Seule une analyse profonde des sources sur lesquelles se base l’érotomane peut permettre d’élucider la véracité du récit.



Thevaki Sriseyohn

Psychologue clinicienne  

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