Rémy C. Martin-Du Pan, dans Rev Med Suisse 2012; volume 8. 627-630 (extrait )

Pour accueillir le nouveau-né, la mère met en œuvre une série de comportements qui comprend la fabrication du nid, l’installation du petit, le léchage, la toilette et le frottement du dos. Ces conduites favorisent les liens entre la mère et ses petits en permettant de leur prodiguer confort, chaleur, nourriture et protection. L’ocytocine favorise ce comportement maternel en augmentant la libération de dopamine au niveau du noyau accumbens. Ces comportements protecteurs maternels sont supprimés par le blocage des récepteurs pour l’ocytocine.
Chez l’homme, la prise d’ocytocine augmente la réponse des mères aux cris des enfants par inhibition de l’amygdale et activation de l’insula. Elle renforce les sentiments positifs des sujets proches de leur mère, mais active le sentiment d’insécurité chez ceux dont la relation était distante. Elle n’aurait donc pas une action univoque de souvenir des événements heureux.
Hormone «antistress» dans les interactions sociales
L’ocytocine inhibe l’élévation d’ACTH (adrénocorticotrophine) et de cortisol induite par l’hypoglycémie à l’insuline et par l’injection de vasopressine (hormone de stress qui stimule la sécrétion de corticolibérine). Par ailleurs, l’ocytocine réduit l’anxiété et les stress survenant lors des interactions sociales. Elle freine la sécrétion de cortisol qui est élevée dans certaines situations : chez des sujets ayant vécu une séparation précoce de leur mère, lors de conflits de couple et de rejet de groupe chez des étudiants. Elle pourrait médier l’effet inhibiteur sur les stress du support social. Elle augmente le sentiment d’empathie chez les hommes, ainsi que le sentiment d’attachement chez des étudiants peu sûrs d’eux.
Hormone de la reconnaissance des visages et de la confiance
Si l’on présente des visages à des sujets normaux, l’administration d’ocytocine augmente la probabilité que leur regard se dirige vers les yeux parmi toutes les parties du visage et la reconnaissance des visages. Une observation comparable a été faite chez des enfants autistes, qui ont tendance à éviter les regards. Après la présentation d’une série de visages neutres, joyeux ou en colère, elle augmente le souvenir sélectif des visages joyeux. Elle atténue l’activation des amygdales, survenant lors de la présentation de visages gais, tristes ou en colère.
Un des fondements du lien social est la capacité d’entrer en contact avec les autres et de leur faire confiance. Celle-ci est une condition pour établir une relation proche et intime. En utilisant une méthode appelée le «jeu de la confiance», on a pu mettre en évidence le rôle de l’ocytocine lors d’opérations boursières fictives. Ces transactions s’accompagnaient d’une hausse des taux sanguins d’ocytocine, lorsqu’elles étaient fructueuses (donc dignes de confiance), mais ne variaient pas lorsqu’elles étaient non bénéfiques. Dans une autre étude portant sur 200 investisseurs, ceux qui avaient reçu un spray d’ocytocine investissaient 17% plus d’argent que leurs partenaires qui avaient reçu un placebo. Enfin la prise d’ocytocine a montré une augmentation de 80% des dons à des œuvres caritatives !
Y a-t-il une hormone de la méfiance ? La testostérone ? Dans l’étude précitée, parmi les sujets qui ont fait l’objet d’un manque de confiance (on leur a transféré peu d’argent), on note une élévation de la dihydrostérone. Or cette hormone masculine joue un rôle dans la puberté, la libido et l’agressivité, qui permet au mâle de combattre ses pairs pour la conquête sexuelle des femelles. Une étude portant sur 24 femmes a montré que l’administration de testostérone (0,5 mg) augmentait la méfiance interpersonnelle, mais seulement chez les plus confiantes d’entre elles, ce qui, d’un point de vue adaptatif, renforcerait la vigilance sociale permettant d’être plus compétitif.
CONCLUSION
L’ocytocine, en plus de son action sur l’allaitement et les contractions utérines, apparaît comme l’hormone de l’attachement, qui établit les liens protecteurs de la mère avec ses petits. Du point de vue phylogénétique, ces liens, en garantissant la sécurité des petits, favorisent la survie de l’espèce. En outre, l’ocytocine joue un rôle dans les liens sociaux et atténue la phobie sociale. Elle interviendrait dans le sentiment d’appartenance à un groupe et dans la confiance entre les éléments du groupe. Hormone de la confiance, elle augmente l’empathie et la générosité. Du point de vue clinique, les études actuelles sont de durée trop brève pour pouvoir proposer l’ocytocine comme traitement adjuvant dans la phobie sociale ou dans l’autisme, et des études prolongées sont encore nécessaires avant d’envisager son utilisation comme psychotrope.