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Ce que le traitement du dossier Tariq Ramadan nous apprend sur notre société



Le traitement judiciaire que subit Tariq Ramadan depuis maintenant presque huit mois souligne les dérives de la justice française. Manque de transparence, exposition des minorités, toute-puissance institutionnelle, indifférence et parfois mépris des droits du justiciable, qui laissent aux citoyens de nombreuses interrogations quant à la loi telle qu’elle s’applique dans notre pays.


Des lois et des hommes


Les lois sont faites, entre autres, pour protéger, mais l’utilisation de ces lois fonctionne parfois comme une arme selon qui la personne que l’on a en face de soi. En septembre 2018, nous sommes déjà au onzieme suicide de l’année au cœur de la prison de Fleury-Mérogis. 64 suicides en tout dans les prisons françaises entre le 1er janvier et le 7 août. Parmis eux, de nombreuses personnes en détention provisoire, pour certains avec une date de potentielle sortie. Que se passe-t-il dans la tête d’un homme qui connait sa date de libération pour vouloir tout de même mettre fin à ses jours ? Peut-être la déshumanisation qui règne en prison et qui ôte au sujet son intégrité, ses droits fondamentaux et son indépendance d’action puisque, en prison, tout est si procédurier, que chaque moindre fait et geste passe par une demande, demande qui doit être vérifiée par un service pénitencier débordé par ces mêmes procédures. La prison n’accueille pas des hommes, elle accueille des matricules. La prison ne prépare pas à la sortie, au contraire, elle désocialise le sujet, le coupe de tous ses repères, et produit de la destruction.

Alors, effectivement, une société doit punir pour protéger. Mais la question de la détention provisoire est bien plus complexe puisqu’elle remet en question la présomption d’innocence. D’ailleurs, de nombreuses fois, la France a été épinglée par la CEDH concernant son utilisation, mais aussi l’insalubrité des prisons françaises. Pourtant, chaque mois, dans un silence assourdissant, des histoires de vies sont détruites par ces mesures qui ne prennent pas en compte la singularité du sujet qui lui fait face.

En juillet, cette femme enceinte qui vole pour 200 euros et qui est mise en détention provisoire, sans aucune prise en compte de sa santé et de ce qui se passe en elle, pendant que Cahuzac est toujours en liberté. Aleskander B. accusé de complicité de terrorisme clamant son innocence est mis en détention provisoire en 2016. En isolement, éloigné de sa famille, ne recevant aucun courrier, il commence à manifester son malaise, parle de la mort, de sa détresse et se suicide en juin 2018. Sa culpabilité n’a jamais été prouvée. Pendant que Nicolas Sarkozy, en examen pour des faits gravissimes, est toujours en liberté. Ou encore, ce père de famille, en détention provisoire pour une histoire "de conduite sans assurance" qui se suicide quelques semaines après son incarceration. Ce jeune homme en détention provisoire pour des amendes non payées qui se suicide quelques temps avant de retrouver sa liberté. Des histoires de vie, de familles, de personnes qui, toutes, ont fait face à une justice délirante qui nie le sujet, l’acte et le contexte. La détention provisoire est la norme pour une partie de la société qui n’a ni le réseau, ni le pouvoir, ni l’argent pour pouvoir l’éviter. La présomption d'innocence devrait étre la norme pour tous.


Le dossier Tariq Ramadan, symbole des dérives de la justice française


Avec le dossier Tariq Ramadan, ce sont toutes ces réalités qui nous explosent au visage. Une réalité violente et poignante à la fois qui nous concerne tous. Une réalité où, comme Maître Dupond-Moretti le dit lui-même : « En France, il vaut mieux ne jamais avoir affaire à la justice.». Une justice que de nombreux juges d’instruction ne voudraient pas subir eux-mêmes. Car si la magistrature est faite de nombreuses personnes éthiques, il y en a aussi qui jugent à travers leurs croyances, leurs névroses, leur perception du monde. La neutralité n’est pas humaine, car tout être humain a en lui des croyances et des catégories intériorisées comme normes, aidant à la prise de décision et aux jugements. Mais le cadre de la loi aide à la neutralité, sauf quand certains utilisent la loi comme une arme contre un justiciable devenu une cible. C’est précisément le cas de Tariq Ramadan.

Là où la loi a protégé de nombreuses personnalités telles que Depardieu, Darmanin, Collard, Besson, ou dans une enquête d’un autre ordre, Nicolas Sarkozy, elle détruit certains selon ce qu’ils représentent, leur idéologie, confrontés à l’idéologie ou aux croyances des juges qui leur feront face. Tariq Ramadan a été tellement diabolisé en France qu’il est un coupable idéal. Pourtant en sept mois d’enquête, aucune preuve n’est venue étayer le dossier à charge. Au contraire. Et Tariq Ramadan continue à clamer son innocence. Toujours en détention provisoire. Dans les mains d’une justice qui manque de transparence et instruit sans se soucier des faits, de l’équité et de l’égalité des hommes face à la loi.


Des justiciables pas tous égaux face à la loi


Au vu des erreurs judiciaires, des scandales pénaux, de l’abus de pouvoir et de toute la puissance institutionnelle, comment les citoyens peuvent-ils avoir confiance en la justice ? Le pouvoir ne devrait jamais être en si peu de mains, sans garde-fou autour pour assurer une éthique et une justice constante.


Non, il ne fait pas bon pour vous, citoyen innocent, qui n’aurait pas assez de réseaux pour se défendre, de tomber dans les mains de la justice. Si l’enquête prouve votre innocence, rien ne pourra vous délivrer de ces « outils » légaux, tel que la détention provisoire transformée en arme, qui vous ôteront votre liberté, votre intégrité, votre vie, et votre identité pour devenir un matricule. Cette réalité-là, le dossier Tariq Ramadan en est le symbole. Une réalité qui nous concerne tous.

Notre société n’est pas égalitaire et les minorités sont exposées. Avons-nous en mémoire un traitement aussi dégradant que ce qu’a vécu et vit Tariq Ramadan aujourd’hui encore ? Depuis le début de la procédure, il y a eu une réelle volonté de détruire un homme. Que cela soit parce que les juges instruisent à charge liée à leur idéologie, névrose, ou croyance intégrées comme norme. Ou que cela soit par autre rencontre « d’enjeux et de pouvoir » comme certains le soupçonnent... La conséquence reste la même : Tariq Ramadan n’est pas traité avec le respect de ses droits et de son intégrité. Il vit une justice d’exception qui l’a isolé et rendu silencieux. Sous nos yeux à tous. Dans une forme de toute-puissance institutionnelle despotique. Et il n’est pas le seul. Il est le symbole des dérives de la justice française. Et le reflet de tous ces justiciables qui ont été détruits par une Justice qui oublie que ceux qui lui font face sont des hommes.


Si nos lois ne peuvent garantir liberté, égalité, fraternité, il faut alors en changer. Si la société ne peut nous garantir une juridiction qui instruit avec la plus grande neutralité et équité, alors, il est temps de la réformer. L’élite existe par acceptation de la masse. La masse existe parce qu’elle se conduit comme telle. Le changement ne peut venir que de nous si nous ne voulons pas répéter les erreurs de l’Histoire.


Fanny Bauer-Motti


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